Une question revient souvent lors des rendez-vous avec les salariés : comment puis-je établir la réalisation des heures supplémentaires non payées par mon employeur ?

Voici quelques éléments pour vous aider :

1. Le principe du partage de la charge de la preuve en matière d’heures supplémentaires

L’établissement de la preuve des heures supplémentaires est en effet souvent délicat pour le salarié, a fortiori lorsqu’il a déjà quitté l’entreprise au moment où il saisit le conseil de prud’hommes.

Pourtant, le code du travail prévoit que la charge de la preuve en matière d’heures supplémentaires n’incombe spécialement à aucune des parties.

L’article L. 3171-4 du Code du travail prévoit en effet que :

« En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

 Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

 Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »

Si l’employeur ne produit aucun élément de nature à contredire les prétentions du salarié relatives au nombre d’heures effectuées, le juge devrait en principe faire droit à la demande du salarié (Cassation sociale, 31 janvier 2006, n° 04-41.724 et n° 04-41.217 ; Cassation sociale, 24 mars 2004, n°01-43.875).

La Cour d’appel de Grenoble a jugé récemment qu’à défaut, pour l’employeur de produire des éléments probants permettant de contredire le décompte du salarié, il doit être fait droit à la demande de paiement des heures supplémentaires (Cour d’appel de Grenoble, 3 décembre 2020, n°18/02089).

La Cour de cassation considère d’ailleurs qu’il appartient au juge de contrôler, non si le salarié produit des éléments suffisamment probants des heures qu’il prétend avoir effectuées mais s’il présente, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis permettant à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. (Cassation sociale, 21 octobre 2020, n°19-12.510 ; Cassation sociale, 21 octobre 2020, n°18-26.697).

Enfin, le salarié ne devrait même pas être contraint d’établir un décompte hebdomadaire pour étayer une demande d’heures supplémentaires, s’il dispose d’éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre à sa demande (Cassation sociale, 4 septembre 2019, n°18-10.541).

2. Les éléments permettant de justifier de la réalisation des heures supplémentaires

Malgré les dispositions légales et une jurisprudence pourtant bien établie, la pratique judiciaire montre néanmoins souvent qu’il revient aux salariés d’apporter de nombreux éléments au soutien de sa demande pour qu’elle soit accueillie.

Quelques éléments de preuve de nature à justifier une demande d’heures supplémentaires :

  • Un tableau retraçant, sur une période de 2 ans, le nombre d’heures supplémentaires effectuées quotidiennement par le salarié (Cassation sociale, 16 mars 2001, n°09-67.836).
  • Des tableaux de type word.

Dans cette affaire, la Cour de cassation a indiqué qu’une cour d’appel ne peut pas, pour débouter un salarié de sa réclamation au titre des heures supplémentaires, retenir qu’il ne versait aux débats que des tableaux de type Word par lesquels il avait récapitulé ses heures supplémentaires non vérifiables sans verser d’autres éléments les corroborant. En l’espèce, le salarié travaillait à domicile et n’était ainsi pas contrôlé dans ses heures de travail et de pause (Cassation sociale, 8 juillet 2020, n°18-26.385).

  • La production d’un courrier de l’employeur informant le salarié de la grande disponibilité et des horaires flexibles qu’impliquaient le poste, et d’un courrier du salarié avertissant son employeur de la situation de sous-effectif et de son obligation d’allonger sa durée de travail.
  • Un décompte établit au crayon, calculé mois par mois, sans autre explication ni indication complémentaire.
  • Un récapitulatif des heures effectuées sous forme de décompte journalier corroboré par des mails adressés avant 9 heures et après 17h30 et une attestation d’une ancienne collègue de travail.

Ces exemples doivent être appréciés avec la plus grande prudence puisque chaque cas d’espèce est différent.

La preuve étant libre, il convient donc de conserver tous les éléments qui seraient susceptibles d’appuyer la demande (ticket de caisse, frais professionnels, billets de train, mails, relevé téléphonique ….).

Pour vous familiariser avec la notion d’heures supplémentaires https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2391